lundi 25 mars 2013

Inédits de déni

"Inédits de déni" ou les textes sauvés de l'enfer, sont le tronçon d'une vie déniée, inédite pour les habitués de ce blog, que je compte faire paraitre bientôt.

Je ne me rappelle plus quand je les avais "relus" une dernière fois, les ayant commencés depuis 78, pour les condamner sans appel à mort, au début des années 80. Le lieu par contre, hantant le texte même, fut Malakoff surtout, entre autres zones de bivouac en région parisienne.

Longtemps frappés de déni et en attendant d’être brûlés, ces textes ont été jetés et oubliés au fond d'un carton. Lui-même jeté dans la cave d'une épicerie que tenait mon frère. Au moment de rentrer au pays, faute d’avoir pu les incinérer sur leur terre natale, et bien plus par une réaction inhibitive -le souci de ne pas laisser trainer derrière moi des torchons pas propres, à leur mise au couloir de la mort j’ai rajouté la peine de l’exil.                                   

Arrivé au pays, c’était à bord d’une voiture  où mes seuls compagnons de traversée étaient des cartons de bouquins, dont une bonne moitié acquise aux puces, le condamné à mort devait être exécuté dans l’immédiat, mesure prioritaire sans quoi il m’aurait été difficile de me réimplanter dans la « tribu ». Pour soulager ma conscience une fois pour toutes. Et pour le carton qui a trop attendu ce coup de grâce, et pour moi qui craignais que tant de papiers moisis pussent infecter le lieu et les papiers à venir.                                                        
Par un soir d’hiver de l’an 1983, ce fut à un bûcher de sainte inquisition mahométane, en bonne et due forme, que je livrai mes condamnés à mort. Pour des centaines de feuilles jaunies ou pâlissant des affres de l'enfer, froissées, d’autres en parties rongées et sentant le doux parfum des souris malakoffiotes, jetées dans un fond de baril et arrosées d’essence.

Puis au moment où le carton était à moitié brûlé, à la faveur d'un petit café chaud que ma douce femme vint servir au bourreau enfumé que j'étais, un peu ivre de toute cette encre devenue des cendres sans vie, fatigué et -sans trop savoir comment, peiné d’avoir été hâtivement inclément à l’encontre d’une partie de moi-même  assassinée -à sang froid et avec préméditation, j’ai suspendu la peine pour le reste des papiers.  

Durant trente ans, alors même que je ne pouvais plus « désinfecter mon garage de leurs moisissures puantes» –comme le souhaitait vivement ma femme, je les léguai à l’oubli.                                                                                          
Puis un jour, alors que j’avais des petits travaux d’aménagement à faire au garage, au moment où mes enfants me demandaient s’ils devaient jeter le «vieux carton» comme tant de choses encombrantes dont a débarrassé le lieu, sans hésiter je demandai que le  vieux carton soit monté à « l’antre du Vieux ».

Pour la première fois depuis une éternité, sous l’accès d’une tendresse plaidant la cause du moisi, je songeai à remettre sous mon burnous les miens bâtards enfants de mon sang. Je songeai à réexaminer à leur endroit la sentence de mort pas encore assurée d’amnistie, afin de réhabiliter ne serait-ce que pour le parfum de ses reliques la fougue d'un cheval ailé de ma jeunesse perdue. Le « tronçon » de cette partie dont je me fus lâchement amputé. Et quand j’ai pu faire tel réexamen, c’est la totalité des rescapés de mon inquisition qui fut amnistiée. A juste droit sortie de la disgrâce, ces rescapés de l’enfer purent non seulement jouir de la douillette chaleur de mon burnous, mais bénéficier aussi de la réhabilitation totale, autant pour eux les chanceux que pour leurs petits frangins nés sous une mauvaise étoile. Martyrs petits par la tendre pensée réhabilités et suppliés de pardonner l'holocauste dont l'injuste histoire ne parlera pas.

Sincèrement, profondément, j’ai regretté avec beaucoup d’amertume ce que j’assimilerais à un infanticide de la jahilya. Et j’ai dû même pâtir de cette rémanence de cris qu’il me semble entendre encore aujourd'hui, jaillissant de ce feu qui crépitait de mes feuilles, transformant indument l'acide vocal de ma jeunesse en cendres. 
Pourquoi ce déni d’abord, le regret ensuite ?                                                                                             
Parce qu’il y a un jour dans notre vie à tous -je crois, où –nous regardant un peu au miroir, avec un œil plus introspectif que d’ordinaire, nous pensons que le moment est venu d’emboiter le pas au temps qui nous distance un peu. Et qui nous tance. Nous jugeons alors qu’il n’est plus permis de porter certains vêtements, devenus étriqués et démodés -parce que baroques, qui ne sont plus de nôtre âge. Quand telles fripes sont de l’ordre écrit, que tel écrit porte, outre le code graphique d’une langue dont on n'est pas natif, dont on ne pourrait être un fils prodige, mais -dans le meilleur des cas- un coquin d'amant, souvent fruste ou pas assez stylé, pas trop pliable aux convenances de tel registre et tel ton, et donc quelque peu décentré d'instinct et « en faux » avec l’amante, la belle cause que plaide le nouvel âge ne pourrait que botter au cul son baroque à l'âge mort !

On a beau se sentir encore à la verdeur du baroque, beau encore tiquer sur la guêpière parisienne à couvrir de son burnous, beau se dire que le bourru poils camelin et le satin gracieux pourraient se faire des transports communs, on se plie au verdict du premier cheveu blanc qui émerge de sa tête baroque !

Quand outre ce déni de l'étoffe cameline, "les bâtards nés sous le burnous" se ressentent autant de l'encre cameline que de la plume djebelienne dévoyée, que les confidences et les confessions du « mahométan » eux-mêmes rajoutent aux malheurs de "la nichée mixte", que le mixte risque de paraître moins ennoblissant de l'amour que profanateur -ne serait-ce qu'aux yeux bien-voyants de la bien-pensante opinion qu'on se fait pour les autres, ces enfants mal-aimés deviennent en tel cas encombrants.
Ils n'arrêtent de tordre au cheveu blanc qui les voit la tête et le bon sens de la conscience bien pensante. Ces coquins de lutins qui se lèchent et pourlèchent sur des feuilles dont certaines sentent la bière, le Bordeaux ou Sidi Brahim, se complaisant dans le sensuel "déjanté", parfois cynique quand le "déjanté" commerce en plus avec l’obscène,  s'enivre au jus vert de ses maux et mots, que pourrait dire leur père pour les défendre auprès du blanc cheveu rassis ? Que c'était sa mystique mahométane et son oliban mâle ? que tels lutins, si on les laissait grandir un peu et se faire un menton moins glabre, seraient derviches tourneurs au service de Sidi Mehrez ou de Lella Manoubia ? qu'ils pourraient même prétendre au titre de djihadistes servant la causse d'Allah par le tranchant de l'épée érotique dévote ? Le rassis  blanc cheveu n'en sortirait que victorieux contre l'avocat du diable.

Quand enfin ces textes, ou certains, risquent de nous compromettre aux yeux des nôtres, femme et enfants surtout, parce qu’ayant un caractère biographique, ou qu'on présume comme tel, intime et pas plus défendable ni digne d'indulgence,   alors le déni de l'âge baroque se profile comme la juste sentence, la sage et la seule mesure à prendre pour être de son temps. 


Ahmed Amri
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