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vendredi 24 avril 2015

Amel Hamrouni: retour sur une vie

Deux ans après la publication d'un article consacré à la chanteuse sur ce blog1, Tunisie politique et culture a rencontré Amel Hamrouni pour l'interroger sur les grands moments de son parcours. Retour sur une vie marquée de combats, de résistances, de moments heureux et d'autres pénibles.


Enfance

TPC : Pour commencer, si vous voulez bien nous parler un peu de votre enfance ?

A.H:  Je suis née à El Hamma, de Gabès, dont ma propre mère est originaire, mes parents y ont travaillé pendant un certain temps.
Ma mère était fonctionnaire des PTT, mon père infirmier. En fait, le jeune couple, marié en 1957, a travaillé au début de sa carrière au Kef, à Siliana et à Makhtar. Mes parents ont adoré cette région, ils en ont toujours parlé avec beaucoup d’affection. C’est là que mon frère ainé est né. Khaled est un « Ayari » par excellence !

Amel Hamrouni (2016)
TPC: Vous êtes donc Hamienne de naissance et de mère, mais c’est à Gabès que vous avez grandi ?

A.H: Oui, j’ai quitté El Hamma alors que j’avais à peine un an. Mes parents avaient demandé à être mutés à Gabès où ils avaient acquis un lot de terrain pour y construire une maison. Ma tendre enfance, de un à cinq ans, je l’ai passée à Ain Slem2, chez mes grands parents paternels. C’est là où mes parents s’étaient installés, tout en faisant construire leur petite maison tant rêvée d’EL Mansourah. »

TPC: En somme, en 1966,  vous êtes « chassée » de l’éden Aïn slem ?

A.H: « Chassée », non, quand je pense aux  « maîtres de l'éden » mes grands-parents. Eux auraient tout donné pour me garder à leurs côtés. N'empêche que lorsque je me suis installée avec mes parents dans notre nouvelle maison,  les années Aïn Slem refusaient de se faire oublier. C'était mon âge d'or, mon paradis perdu. Comme dit Ferrat, nul ne guérit de son enfance. Et je crois que la véritable enfance est celle qui résiste à tout sevrage, à tout vaccin. Elle vous poursuit comme votre ombre et vous ne pourrez nulle part la semer.
Heureusement qu’une petite sœur, qui avait rejoint entretemps la fratrie, a réduit d'une certaine manière ce "premier exil". Et puis avec le début de l’école, un an après notre déménagement, la camaraderie scolaire m’a dédommagée un peu des petites amies laissées à Aïn Slem. »


Etudes

 TPC : Vous avez commencé vos études primaires en 1966 ?

A.H: J’ai fait l’école primaire à Ben Attia3 à partir de 66. Ensuite, les trois années collège à Sidi Marzoug4. Et en 1972, j’ai commencé mon second cycle au Lycée Mixte de Gabès ».

TPC: Le Lycée Mixte de Gabès avant qu'il ne soit scindé en deux, les jeunes générations, évidemment, n’en savent rien.
 
A.H: Oui, le lycée mythique aux 4500 élèves ! Tout Gabès et sa petite banlieue: Tébelbou, Chéninni, Bouchemma, Oudhref, Métouia, Ghannouche n'avaient encore qu'un seul lycée. Ensuite, on a construit Echebbi puis divisé en deux établissements le lycée mixte.


Carrière artistique
 
TPC: Aujourd'hui lycées El Manara et Abou Loubaba. En 1979, vous décrochez le bac et en 1984, l'énarque que vous êtes est nommée dans les services du Ministère des Finances. Je voudrais revenir à l'année 1979, date où commence votre carrière d'artiste.

A.H: Plutôt notre carrière d'artistes, parce que nous étions tous fondus dans ce groupe qui a vu le jour grâce à la volonté commune de ses membres. Al Bahth c'était une famille au sens artistique du terme: nous étions tous sur la même longueur d'ondes, politiquement parlant, et nous avions une volonté farouche commune d'impliquer l'art dans les luttes sociales et politiques.

TPC: Mais, au départ, si je ne me trompe pas, vous étiez aussi presque une seule famille, au sens dénotatif de l'expression, à faire le noyau d'Al Bahth ?

A.H: Nous étions surtout 5 camarades bien au dessus des liens de sang : Khaled Hamrouni, Nebrass Chammam, Chokri Hamrouni, Tawhid Azouzi et moi-même. Khémaies Bahri a rejoint le groupe en 1982, après son bac. Dans le groupe, il y a bien trois Hamrouni: le frère, sa sœur et leur cousin...


TPC: Et votre futur mari Tawhid...

A.H: Oui, mais la vraie famille à laquelle l'ensemble s'identifiait c'est, sans fioriture aucune, celle qui partageait les idéaux politique et artistique. Al Bahth n'est pas un The Jackson Brothers à la mode des Hamrouni, si vous êtes tenté de faire une comparaison de cet ordre. Dès sa création, le groupe a œuvré pour faire de la chanson alternative un levier d'éveil de la conscience civique. Les reprises de Cheikh Limam -je pense que Limam était celui qui nous a le plus marqués, autant par ses chansons que par son authenticité, nos propres titres qui s'inscrivent dans l'école initiée par lui - il a aimé pas mal de nos titres mais beaucoup El Bssissa, n'avaient d'autre fin que servir cette conscience dont je parle. Et d'ailleurs, pour ne rien vous cacher, je n'ai pas aimé le titre de votre premier article5. L'arbre ne cache pas la forêt.

Amel Hamrouni
TPC: Le groupe Al Bahth a connu des hauts et des bas. Il y a eu les années 1980 marquées par votre présence sur les campus, dans les manifestations politiques ou culturelles de l'UGTT, de la LTDH et d'autres organisations et formations politiques de gauche. Il y a eu aussi la consécration, à travers votre personne, de la RFI qui vous a décerné en 1987 son prix Musiques du Monde. Il y a eu encore cette première télévisuelle dans la Tunisie de Ben Ali. Avant d'aborder "les bas", rappelez-nous dans quelles circonstances Najib Al-Khattab vous a invités à son émission Laou samahtom, en 1988 ?

A.H: Feu Najib Alkhattab m'a adressé une première invitation, en octobre 87, à titre personnel. Je le crois sincère quand il m'a dit que l'invitation ne faisant pas cas des autres membres n'émanait pas de lui. En tout cas, j'y ai opposé une fin de non recevoir, et fait savoir que le lauréat du prix RFI n'était pas moi, mais l'ensemble musical Al Bahth. Juste après l'accession de Ben Ali au pouvoir, l'animateur a dû renégocier avec la direction, ou des instances plus élevées, l'autorisation de passage pour le groupe, et dès qu'il a obtenu le feu vert, il nous a contactés une seconde fois, adressant l’invitation à tout le groupe.


TPC: C'est-à-dire khémaïes Bahri (à l'époque flûte), Nebras Chammam (luth), Khaled Hamrouni (darbouka), Chokri Azzouzi (castagnettes) et vous chanteuse-interprète.
Quand on revoit la vidéo de ce baptême de feu télé, on est frappé de constater quelque chose de pas commun sur ce plateau: le devant de la scène à l'orchestre, et la chanteuse est derrière. C'est bien vous qui avez fixé votre place derrière le groupe et pas devant ? Modestie ?




A.H: L'idéal pour moi aurait été d'être au milieu du groupe. Mais il y a deux rangées comme vous avez dû le constater. Et si je m'étais mise derrière, ce n'était pas tellement par souci de céder toute la lumière aux camarades. J'avais le cœur qui battait, et le bouclier que j'ai trouvé en mes camarades m'a permis de surmonter le trac.

Les années de braise

TPC: L'état de grâce qui a suivi le putsch de Ben Ali n'a pas duré. Et vous avez eu votre part des persécutions qui ont marqué les années de braise.

A.H: Bien avant Ben Ali, en 86, Tawhid [NTPC: mari de la chanteuse] a été arrêté et incarcéré une première fois. Nous étions jeune couple tout heureux, sans enfants encore. Mais résolument engagés dans la lutte politique.

TPC: Vous étiez alors militants du PCOT (Parti Communiste des Ouvriers Tunisiens) qui n'était pas reconnu6.

A.H: Oui, et la clandestinité à laquelle nous étions contraints nous exposait aux harcèlements constants de la police. En 92, Tawhid a été incarcéré une deuxième fois, lui et Khémaïes Bahri ainsi que d'autres camarades. Et c'est d'ailleurs pour cette raison-là que le groupe musical s'est trouvé dans l'incapacité de poursuivre ses activités.

TPC: Votre mari et Khémaïes en prison, et vous à cette époque jeune mère allaitant encore votre premier bébé, on imagine votre calvaire mais aussi votre courage, le soutien que vous avez apporté à ceux qui étaient sous les verrous. Finalement, la dictature de fer qui espérait vous briser en tant que Bahth et communistes n'a réussi qu'à vous rendre plus solidaires si j'ai bien compris ?


A.H: Absolument. au bout du calvaire, malgré ces longues années difficiles, en 99, nous avons pu remonter en scène. Nous avons même tenté un retour dès 95, après la sortie de Khémaiès et Tawhid de prison. Nous avons donné quatre concerts, dans une lecture musicale de nos chansons de Ridha Chmek, avec un orchestre de 40 instrumentistes qu'il a dirigés lui-même. Mais cette première tentative de retour n'est pas allée plus loin. "

TPC: En 2005, Khémaiës Bahri et vous, vous avez créé Oyoun Al Kalam. Derrière ce nouveau-né, il y avait des dissensions intestines qui ont scindé Al Bahth.
Je ne vous demanderais pas de laver le linge sale de la famille Al-Bhath en public, sachant que vous n'êtes pas du genre à faire cela.
Je voudrais juste rappeler, en vous citant7 pour conclure cette interview, ce que représente pour vous Oyoun Al Kalam: 
 
 "Pour ce qui est de notre expérience actuelle, c'est l'histoire d'un duo, d'une tendre amitié, de chemins parcourus ensemble, parfois péniblement, qui me fait avancer main dans la main avec Khmaies. Honnêtement, sans lui je ne sais pas si j'aurais été capable de revenir sur scène. Je voudrais tellement, par honnêteté intellectuelle, que l'on sache que Oyoun Al-Kalam est la troupe d'un duo qui espère avoir le temps de réaliser plein de belles chansons encore ..."






A. Amri
24.04.2016


Sur ce blog, voir aussi:
Amel Hamrouni ou la conscience de ceux qui n'ont pas de voix

Oyoun Al-Kalam (Les Yeux des Mots): Anthologie de chants traduits



=== Notes ===1- Voir Amel Hamrouni ou la conscience de ceux qui n'ont pas de voix.

2- Aïn Slem est un quartier du Menzel de Gabès.

3- Aujourd'hui lycée, l'école Ben Attia se trouve à mi-chemin de Jara et Bab Bhar, rue Bourguiba.

4- Aujourd'hui lycée, Sidi Marzoug a été construit à l'emplacement du vieux marabout éponyme, avenue la République.

5- En titrant son article Amel Hamrouni ou la conscience de ceux qui n'ont pas de voix, TPS lésait d'une certaine façon les groupes Al-Bahth et Oyoun Al-Kalam.  

6-Dès sa création en 1986, le PCOT restera interdit jusqu'au 18 mars 2011, date de sa légalisation.

7- Voir Amel Hamrouni ou la conscience de ceux qui n'ont pas de voix.





mercredi 4 décembre 2013

Oyoun Al-Kalam (Les Yeux des Mots): Anthologie de chants traduits



"Quand elle évoque son parcours artistique, c'estOyoun Al-Kalam ou Al-Bahth Al-Moussiqui qui priment en toute circonstance sur le patronyme et le prénom siens. Quand on lui attribue un titre, un succès, une performance sur un plateau de télévision, c'est tout juste si elle ne se fâche pas! A cause de ce tropisme mécanique, injuste, maladroit, qui détourne le mérite collectif au profit de sa modeste personne! Car, et elle rectifie sur-le-champ, c'est le titre de Oyoun Al-Kalam, le succès d'Albahth Al-Mousiqi, la performance du groupe!
Il y a en elle un tel respect de cette dimension identitaire partagée, un tel sens de l'honnêteté intellectuelle -l'honnêteté tout court- qu'elle refuse tout hommage qui ne soit pas à l'honneur du groupe auquel elle appartient. Alors même que ce groupe n'est plus qu'un duo depuis 2004, tel souci de probité demeure inchangé chez elle.

Mais comment persuader alors de sa maladresse et son impertinence le maudit tropisme mécanique si, à travers un hommage comme celui qui suit, il se révèle irrémédiable? Nous y reviendrons.
Aux origines du texte ci-dessous, il y avait un désir, vieux et quasi obsessionnel, de rendre hommage à l'ensemble Al-Bahth Al-Moussiqi qui, outre sa contribution à l'éveil d'une conscience nationale progressiste et révolutionnaire, a donné à la ville de Gabès une bouffée d'oxygène inappréciable. Inappréciable et inespérée, d'autant que la pollution chimique asphyxiant la région semblait affecter par une forme de contagion sournoise la vie culturelle même. Mais au moment précis où le désir est né, des dissensions internes ont fracturé l'ensemble une première fois en 95. Et de nouveau en 2004. Certains membres ont pris une retraite anticipée. D'autres se sont attelés à la relance de l'ensemble. Tandis que deux cartes maîtresses de la troupe dispersée la Dame de cœur et le Valet de carreau! ont crée leur propre ensemble, le duo Oyoun Al-Kalam.
Revenons à la question posée précédemment au sujet de ce tropisme mécanique incurable! Comment le persuader de sa maladresse et son impertinence?
Lui rappeler que l'arbre ne peut cacher la forêt? Ce serait tout aussi absurde qu'interpeller en pleine nuit un non-voyant pour lui dire:" bougre d'aveugle, regarde où tu mets ta canne!"
L'émotion esthétique a ses lois que la raison dialectique n'a pas. C'est à sa rencontre en 1962 avec Ahmed Fouad Nejm et l'étroite collaboration du duo, auquel s'est jointe la compagne du poète Azza,  que Cheikh Imam doit l'éclat de ses nom et renom. Et pourtant l'arbre a fini par éclipser la forêt. Dans l'ombre de Marcel Khalifa, qui se souvient de l'ensemble Al Mayadeen? Qui distingue assez nettement l'imperceptible Oumaïma? Dans l’Église d'Orient, sous l'aura des saintes icônes byzantines Dieu même n'est-il plus qu'un pâle figurant?"
 
A. Amri
09.01.2013

Amel Hamrouni ou la conscience de ceux qui n'ont pas de voix



La Bsissa

Prends la bsissa et les dattes mon enfant
Et voici deux mille en pièces de vingt
Que je viens d'avoir maintenant
Empoche ton fric, prends !
Mais n'oublie pas ta maman, surtout
Et pour rien au monde mon enfant
Ne délaisse pas tes études
Éloigne-toi des égarés 

Ne te laisse pas tenter par leur tain de vie
Eux ils ont des sous, ils ont la vie facile
N'oublie pas tes bouquins Viens tout près de ta maman
Tu es gravé dans le cœur mais j'ai les larmes aux yeux

Poésie Belgacem Yakoubi
Traduction A.Amri



Martyr

Martyr, ô martyr !
Martyr, le pain est revenu
Martyr du pain, révolte-toi !
De ta tombe une rose est sortie
Phare guidant les processions de pèlerins
Mon sang, ma petite maman, est rose
Dessine sur la voie publique un pain
Je voulais faire de ma poitrine le bouclier du peuple
Les bataillons de brigadiers l'ont criblée de balles
Mais mon tueur, moi je l'ai vu
Caché au centre du palais
Il éperonnait aux bras ses sentinelles
Qui ont vidé en moi la haine des balles
J'ai été inhumé dans l'obscurité de la nuit
N'ayant droit qu'à des obsèques discrètes
Ben Ghdahem et Daghbagi
Quand ils se sont rencontrés au milieu des oueds
Marchant alors que les rigoles de sang coulaient
De Bizerte à Ben Guerdane
Ils ont dit:" ceci est le sang de Fadhel
Qui se répand et couvre tous les lieux
Il crie et proteste contre la hausse du pain
Décidée par les officiants politiques
Pauvre de moi qui vois le blé de Béja
Remplir vos greniers, ô Romains !
La rose que tu as irriguée de ton sang
Embaumant la brise qui s'élève
A titillé son nez à ta maman
Et ta maman a crié:" ne dites pas qu'il est mort !
Pourquoi vous dites Fadhel est mort ?
Ne dites pas que Fadhel est mort
Fadhel est une graine dans l'épi
Surgeon de l'olivier et du dattier
Fadhel sera bientôt à Gafsa
Invité par les montagnes du phosphate
Fadhel, fleur d'amandier
Qui s'épanouit au fort de l'hiver
Trait de lumière dans la nuit obscure
Épine inextirpable au pied de la dictature
Un Fadhel de perdu pour l’honneur
Cinq de trouvés pour le relais
Irréductibles sur les sentiers du combat
Fadhel ne fait que faire un somme
Il se réveillera sous peu
A l'appel du séisme


Poésie
Lazhar Dhaoui
Traduction A. Amri





Si la rosée



Les femmes de mon pays

J'ai écrit, tant écrit
épuisant lettres et dits
j'ai décrit, tant décrit
épuisant l'inédit
je dis, donc, en deux mots
et je passe
la femme de mon pays
est mesurable à l'aune
d'une femme et demi

Poésie Ouled Ahmed
Musique: Jamel Guenna
Traduction A.Amri



Patrie que trame l'imaginaire



L'Internationale



Toujours ayant du souffle



Les Yeux des Mots

Si le soleil se noie dans une mer de brume

Et déploie sur l'univers une vague de ténèbres

Si la vue s'éteint dans la prunelle et le cœur

Si le chemin se perd dans l'inextricable dédale

Toi qui erres, qui cherches et qui comprends

Tu n'as plus d'autre guide que les yeux des mots

Quand les médias crachent sur Aaron Bushnell (Par Olivier Mukuna)

Visant à médiatiser son refus d'être « complice d'un génocide » et son soutien à une « Palestine libre », l'immolation d'Aar...