lundi 13 mai 2013

Le 14 mai 1948

"Nous devons exproprier en douceur. [...] Nous devons essayer d'attirer la population démunie au-delà des frontières en lui procurant du travail dans les pays de transit et en empêchant qu'elle puisse en trouver chez nous. [...]Le processus d'expropriation et le déplacement des pauvres doivent tous deux être accomplis avec discrétion et circonspection."                                                              
                                                                         Theodor Herzl,  Journal, 1895
1
                                                        

Vous avez dit indépendance ?

Le 14 mai 1948 fut proclamée
«l'indépendance» de l’État d'Israël.

«Indépendance» est en réalité un délire de mythomanes, un non-sens absolu, un mensonge grotesque qui donne à lire l’histoire à l'envers. Comment appeler indépendance la main-mise sur un pays, la consécration d'une occupation par laquelle le colon juif s'est substitué au Palestinien chassé de sa terre ? Comment appeler indépendance l'expropriation manu militari d'un peuple, l'extermination de sa résistance, réelle ou potentielle, armée ou pacifique, l'expulsion de ses survivants hors de leurs frontières, leur condamnation à végéter dans les camps de réfugiés et sur les chemins de l'exil ? Comment faire passer cette date consacrant le calvaire du peuple palestinien pour une fête ? la fête d'indépendance de l’État artisan dudit calvaire ? 
La Palestine de 1946 à 2013

L'entité sioniste qu'on disait bâtie sur « une terre sans peuple pour un peuple sans terre » s'est fondée par la force des armes d'une bande de colonisateurs, immigrés des cinq continents, au détriment du peuple autochtone chassé de sa terre. Israël c'est la terre palestinienne multimillénaire1 occupée, judaïsée à petites parcelles, d'abord à travers les vagues d'immigration antérieures à 1948, ensuite par la proclamation de l’État sioniste, puis, de 1948 à nos jours, par de nouvelles immigrations2, d'incessantes expansions de colonies, d'interminables annexions de ce qui reste aux Palestiniens. Et ce reste ce sont des miettes de misère. De minuscules ilots de terre qui, tout en rendant non viable un éventuel État palestinien, risquent d'être engloutis un à un, dans les années à venir, par l'insatiable colonisateur israélien. Il n'est que de comparer sur les cartes ce que fut la Palestine en 1947 et ce qu'il en reste aujourd'hui.

Ce slogan creux « terre sans peuple pour un peuple sans terre »
n'est ni plus ni moins qu'une imposture historique, une pure galéjade que propageait, entre autres mythes servant sa pseudo-légitimité, l'entité sioniste. Comme les impostures d'Eretz Yisrael (Terre d'Israël)
3, de la terre promise4, du peuple juif, du peuple errant, etc. A quoi ajouter la « defamation »5 et le chantage à l'antisémitisme6. En un mot, «l'indépendance d'Israël» est tout simplement la Nakba7 des Palestiniens. Toute autre définition du 14 mai 1948 n'est qu'une fumée sorcière par quoi l'histoire et l'historiographie, mensongères, tentent de couvrir 70 ans de crimes sionistes, perpétrés dans l'impunité totale à l'encontre des Palestiniens.

Projets de Terres promises


Exode des Palestiniens en 1948
Historiquement, depuis le premier congrès sioniste tenu en Suisse en 1897 on avait maintes fois configuré et reconfiguré sur le papier l'Etat juif. Certes, l'occupation de Palestine figurait depuis longtemps non seulement dans les plans sionistes mais aussi dans les stratégies occidentales visant à affaiblir le monde arabe. En 1799, Napoléon Bonaparte y pensait dans son projet impérial, qui invitait les juifs d'Afrique et d'Asie « à se rallier sous ses drapeaux pour restaurer l'antique Jérusalem »8. Et bien avant encore, dès 1665 Shabbetai Tzvi déjà, juif turc se prétendant le Messie attendu par les juifs9,  appelait au renouvellement du Temple à Jérusalem. Mais la Palestine était encore loin d’émerger des configurations potentielles comme "terre promise" prioritaire, tant les projets embryonnaires étaient nombreux. Au premier congrès sioniste tenu en Suisse, en août 1897, près de la moitié des délégués rassemblés à Bâle étaient persuadés qu'un État sioniste en Palestine n'était pas réalisable. Parce que non viable dans un environnement arabo-musulman numériquement et géographiquement dominant, d'une part, et d'autre part parce que l’État sioniste projeté devrait avoir pour principal pilier la judéité10

Aussi Theodor Herzl,  fondateur du mouvement sioniste, avait-il

Projets d'Etat sioniste viable av.Balfour
songé d'abord à l'île chypriote, à l'Argentine, au Canada, à l'Irak, puis au Sinaï, pour y fonder l’État d'Israël11. En 1903, peu avant sa mort, il envisageait de renoncer complètement à la Palestine: la Grande-Bretagne lui avait proposé un territoire de 5000 km2 en Ouganda, et le souci de viabilité le fit accueillir favorablement cette offre12.

En 1934, soit 14 ans avant la création d'Israël, Staline offrait aux juifs de Russie
un oblast, c'est-à-dire une « région autonome juive». Et celle-ci fut créée sur une parcelle de l'URSS asiatique, le Birobidjan, à ce jour oblast autonome juif.13

Mais finalement, c'est Arthur James Balfour, qui, après avoir trié la bonne carte d'autant de "terres sans peuples pour un peuple sans terre" a retenu la Palestine comme "terre promise aux juifs".  Sa déclaration du 2 novembre 1917 dans une lettre adressée au baron Rothschild14, les Palestiniens en paient, du 14 mai 1948 à ce jour, les lourds et interminables frais.


Pour donner à "terre sans peuple" le crédit nécessaire au mythe
"Juifs errants" palestiniens
sioniste, il fallait que la Palestine fût nettoyée de ceux qui y vivaient depuis plus de 4000 ans: les Palestiniens. Et les sionistes n'avaient ménagé aucun moyen pour ce faire, au fur et et à mesure que le peuple élu de Dieu, aux quatre coins du monde errant, revenait vers "sa terre promise".


Massacres de Deir Yassine

Le 9 avril 1948, soit trente cinq jours avant la proclamation de l'Etat hébreu, il y eut Deir Yassine.

Quelque 200 sionistes armés de mitraillettes et d'explosifs, dirigés par le futur prix Nobel de la paix Menahem Begin, ont perpétré un massacre "exemplaire" destiné à assoir sur des bases solides le mythe de la terre sans peuple. En un seul jour, ce sont plus de 300 personnes qui ont été massacrées15, pour la plupart des enfants et des personnes âgées. Ce choix précis des victimes servait des visées on ne peut plus persuasives, destinées à faire fuir le maximum de Palestiniens16. Le même jour à Deir Yassine, 450 maisons ont été détruites. Et 750 personnes chassées de leurs maisons.
Clé à ne pas laisser tomber en déshérence
Le 9 avril 1948, ce fut le prélude à la Nakba et l'exil forcé de près d'un million de palestiniens, aujourd'hui devenus 5 millions de réfugiés dans les camps des pays voisins (Liban, Syrie, Jordanie)
et des territoires de Cisjordanie et Gaza.

C'est à ce prix-là -en attendant le dû à faire payer encore aux Palestiniens, que, le 14 mai 1948, Israël a proclamé son "indépendance".

 

A. Amri
13.05.2013




Michel Collon: Israël, histoire tissée de mensonges




La Nakba en photos


=== Notes ===

1- L'histoire des Palestiniens remonte à 12 siècles avant Jésus Christ. Depuis 3200 ans, cette parcelle de terre aujourd'hui appelée Eretz Israël (Terre d'Israël) s'appelle Palestine et appartient aux Palestiniens.

2- En fait, dès 1908, alors que la Palestine était province de l'empire ottoman, un premier kibboutzim (implantation juive) a été créé
par le Bureau pour Erets Israel à Degania. De 1948 à 1952, il y a eu une immigration en masse de Juifs vers Israël, en provenance des pays arabes et d'Europe. Les juifs du Yémen puis ceux de l'Irak ont été transférés vers Israël à travers les opératives respectives « Tapis volant » et « Ezra et Néhémie ». La Loi du Retour votée en 1950, ainsi que d'autres lois du même nom votées ultérieurement, ont encouragé l'immigration de nouvelles vagues de juifs jusque-là réticents. Avec l'indépendance des pays maghrébins, les juifs de ces pays se sont joints à leur tour aux colons. A partir de 1968, s'y ajoutent plus de 1 200 000 juifs venant de l'Union soviétique. Dans les années 1980 et 1990, les Falashas, ou « juifs éthiopiens », bénéficient à leur tour de la de la «loi du retour» pour grossir le rang du colonisateur.


3- « Eretz* Israël »: perfection de l'expression justificative, formule énonciative d'un juste lotissement biblique (sans jeu de mots), formule agrégative d'une fratrie injustement dispersée loin de son berceau, formule sélective du sang pur et de la non moins pure confession de la fratrie, et où qu'elle se prononce pour traduire une intention annexionniste: formule performative.
La logique de cette formule frappée du sceau de Sion veut que le juif natif de Russie, d'Amérique, d'Europe, d'Asie, d'Afrique ou d'ailleurs, soit le légitime propriétaire de la terre sur laquelle le Palestinien est né et a construit un nid pour ses enfants. Elle veut que ce Palestinien qui exhibe un titre de propriété datant de 100, 1000 ou 3000 ans, qui invoque ses parents nés et morts sur cette terre, l'olivier dont les racines étreignent, fossilisés, les ossements des ancêtres, ne soit qu'un grotesque squatteur, un usurpateur de droit sommé d'évacuer le sol et d'en faire son deuil.
Dans le concert des nations, « Eretz Israël » est un Hocus Pocus qui désarme, sitôt dit, super-Nations, Société des Nations et Conseil des Nations. Les résolutions de l'ONU sont contraignantes quand il s'agit de détruire un pays arabe, ou un pays musulman. Mais pas quand il s'agit de rendre une part de justice aux Palestiniens. Aux aguets, l'anathème de l'antisémitisme rend impensable la contrainte. On prône plutôt le maximum de souplesse et de patience, en attendant que les minuscules ilots de terre pas encore annexée à l'Eretz du Peuple Élu soient nettoyés des derniers Palestiniens squatteurs.
De 1947, année du partage de la Palestine, à ce jour, les 33 résolutions adoptées à l'encontre d'Israël par l'Assemblée Générale ou le Conseil de Sécurité de l'ONU sont restées lettre morte.

* Eretz de l'arabe أرض ardh (terre) dont dérivent aussi l'anglais "earth", l'ancien gothique "airtha", l'allemand "erde", "erdu","erda", le flamand "aard", "arde", l'islandais "jard", le danois "jordan", et peut-être aussi le bas latin "gardinium" et le français "jardin".» (A. Amri, page facebook, 10.05.2016)

Voir Comment le peuple juif fut inventé, par Shlomo Sand, Fayard, 2008.
L'auteur, historien israélien, y démontre que ce qu'on appelle "peuple juif" est un ramassis de juifs venus du monde entier, et non exclusivement issus de l'émigration de 70. "En tant que citoyen israélien, je trouve absurde que quelqu’un qui était sur une terre il y a deux mille ans puisse prétendre avoir des droits historiques sur cette même terre. Ou alors il faudrait faire sortir tous les Blancs des Etats-Unis, faire rentrer les Arabes en Espagne. [...] non, il n’y a pas de droit historique des Juifs sur la terre de Palestine, qu’ils soient de Jérusalem ou d’ailleurs. (Shlomo Sand, 13 mai 2010, dans «Il était plus logique de créer un Etat juif en Europe»)


4- Shlomo Sand : « La Terre promise n’est pas une terre patrie israélienne »

5- Voir sur ce blog Defamation: quand les enfants désavouent le père

 6- Bruni Guigue définissant l'antisémitisme (comme Hocus Pocus) en dit: "Antisémitisme. Mot sésame, mot magique, il dit tout, il condense en un éclair les affres du monde moderne. A peine proféré, il impose la circonspection et paralyse la pensée critique. Brandi comme une menace, il enjoint au silence, comme si quelque chose de terrifiant et de sacré était en jeu, condamnant chacun à surveiller ses propos de crainte de blasphémer." La conférence de Téhéran et les Faurisson pro-israéliens.

Voir aussi sur ce blog Promothée et les maîtres chanteurs à l'antisémitisme.


7-  De l'arabe نكبة nekba: désastre.

8- Terre promise, trop promise: Genèse du conflit israélo-palestinien (1882-1948), Par Nathan Weinstock, Odile Jacob Histoire, 2011, p.26 

9- Les Contes Des Mille Et Un Mythes, vol. I, Par Nas E. Boutammina, Auto-Ed° Boutammina, 2004, p.105

10- En fait, l'imposture de « Israël démocratie laïque» n'est qu'une poudre aux yeux: dès le projet de Herzl, Israël est envisagé comme un Etat juif pour les juifs, identité sans équivoque lisible à partir même de Der Judenstaat (État juif, ou Etat des juifs), titre de son livre publié en 1896. Outre ce titre, le livre ne comporte aucune allusion, si minime soit-elle, aux Arabes vivant en Palestine.
Voir Victimes: histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Par Benny Morris, Ed° Complexe, 2003, p.34
11- Palestine-Israël: approches historiques et politiques , Par Samaha Khoury, Presses Universitaires de Bordeaux, 2002, p.26

12- Ibid. Voir note 19. 


13- Sibérie 2014 Petit Futé, Par Collectif,Dominique Auzias,Jean-Paul Labourdette, petitfute.com, 2014, p.361/362 

14 La Déclaration Balfour répondait à la fois au lobby sioniste qui, argenté et ayant ses taupes dans les coulisses politiques, avait et a toujours son poids en Occident, et aux fondamentalistes du sionisme chrétien. Ci-dessous le texte traduit de la Déclaration;
« Cher Lord Rothschild,
J'ai le plaisir de vous adresser, au nom du gouvernement de Sa Majesté, la déclaration ci-dessous de sympathie à l'adresse des aspirations juives et sionistes, déclaration soumise au Parlement et approuvée par lui.
Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste.
Arthur James Balfour »

15- Les Clair obscur: nouvelles, Laadi Flici, Entreprise National du Llivre [sic], 1984, p.24 

16- Le péché originel d'Israël: l'expulsion des Palestiniens revisitée par les Nouveaux historiens israéliens, Les Editions de l'Atelier, 2002, p. 100






mercredi 8 mai 2013

Ishtar, qu'il est bon de te prier! (Jamel Ksouda - Traduction Amri)

للشاعر الصديق جمال قصودة الذي يتأهب لدخول القفص الذهبي..أمنياتي ودعواتي بالمؤبد السعيد في رعاية أحلى ملهمة وسجانة عشتار آلهة الصباح والمساء والحب والجمال والخصوبة وسعادة الشعراء الأزلية
Au poète et cher ami Jamel Ksouda qui s'apprête à faire son entrée dans la cage dorée, mes voeux d'une réclusion à perpétuité dans le bonheur conjugal, sous l’œil bienveillant et vigilant de sa tendre muse et geôlière Ishtar, déesse du matin et du soir, de l'amour et la beauté, de la fécondité et la béatitude des poètes
(C'est pour ton anniversaire, ma bien-aimée.)

Les jours et les nuits se ressemblent, mais ce jour-ci n'a pas de pareil. C'est le jour de la fécondité, de la verdure, de la résurrection, de la vie.

En ce jour, le monde peut être en liesse, se réjouissant de la résurgence d'Ishtar(1) et son printemps exceptionnel. A certains, il peut paraître que le temps est caniculaire et l'aridité a pénétré les articulations et les côtes. Néanmoins,  moi je suis le seul à surplomber le paradis; le nerprun suprême(2) m'obéit au doigt et à l’œil. Et l'univers, tout l'univers, je le tiens dans la paume de la main; j'y plante les doigts comme dans l'argile molle et visqueuse; je le modèle en forme d'une pomme pour le nouveau matin.

Maintenant, je peux étreindre en toi les jardins suspendus. J'en cueillerai des fleurs immaculées et angéliques comme tes yeux. Je les embrasserai assurément. Ne rougis pas d'un pourpre pouvant colorer mon visage pâle. Je surplombe le Tigre et l'Euphrate, alors que le nénuphar couvre la surface de l'eau. Je m'y jette dans l'ébahissement qui s'empare de mon être.

Ishtar, apprête-moi tes tresses. Drape-m'en, drape-m'en! je me meurs de t'aimer!     


Jamel Ksouda
Traduit par A. Amri
08.05.2013


Vincent d' Indy : Istar, variations symphoniques opus 42



Notes:

Le titre original est : Ishtar, qu'en toute année tu sois fécondité!


1- Chez les Assyriens, les Babyloniens et les Sumériens (ancêtres des Irakiens), déesse équivalente à Zeus et Aphrodite.

2 Sedret al-mountaha  سدرة المنتهى est un nerprun mentionné dans le Coran, qui se trouverait à droite du trône divin. Enraciné au 6e ciel et son sommet dépassant le 7e ciel, le nerprun serait l'arbre le plus beau au paradis. D'après le Prophète, des rivières sortent de ses racines, ses  feuilles sont comme les oreilles des éléphants et ses fruits comme les jarres.

Pour le même auteur sur ce blog:

Jamel Ksouda Et Mohamed Bhar: hommage à Belaid: le sang à étreindre


Au gré du flux - Par Tounès Thabet


Photo Saadia Mosbah
Longtemps, beaucoup de Tunisiens imaginaient que le racisme est un mal qui ne s'accommode pas du "tempérament national". Longtemps, ces Tunisiens imaginaient que la Tunisie a quelque chose de cubain en matière de tolérance et de fraternité interraciale.
Et puis tout récemment, ces Tunisiens se font dessiller les yeux sur une réalité diamétralement opposée à leur croyance. Un témoignage de Saadia Mosbah leur révèle que le racisme est la soupe quotidienne des Noirs tunisiens. D'autres témoignages suivent et l'ampleur de la peste se révèle au delà de ce qu'on pourrait imaginer.

La réaction de nombreuses plumes ne se fait pas attendre. Dont Tounès Thabet, auteure de l'article ci-dessous, que je remercie de m'avoir prévenu à ce sujet dont j'ignorais moi-même la gravité. ( Ahmed Amri - 8 mai 2013)

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Le racisme, réalité bien amère
«Personne ne vient au monde en haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, de son passé ou de sa religion. Si les gens peuvent apprendre à haïr, on peut leur enseigner à aimer, car l’amour nait, plus naturellement,, dans le cœur de l’homme que son contraire. » Nelson Mandela

Quand le discours haineux remplit l’espace de son tintamarre et s’attaque à une communauté qui a du mal à se défendre contre des propos injurieux et avilissants, on s’interroge sur le silence de nos gouvernants qui refusent d’entendre les revendications des citoyens à part entière. Les plaintes se multiplient, les protestations aussi car le temps de l’omerta est révolu. L’unique acquis de cette révolution est la libération de la parole. Les murs du silence ont été brisés et, désormais, les personnes de couleur noire feront entendre leurs voix.  

Le terme de « minorité » à connotation péjorative et dépréciative, en lui-même, est une insulte à l’égard de citoyens égaux à la majorité à laquelle ils appartiennent de plein droit. Cette discrimination est restée tabou pendant des décennies à cause du sort qui était réservé à la population noire, trop souvent, issue de milieux modestes,  privée d’éducation, de l’accès à la scolarisation pour des raisons économiques, surtout. Mais, même ayant acquis des diplômes, certains n’ont pas pu occuper des postes de responsabilités alors qu’ils en ont les compétences. Vivant, souvent, géographiquement, à part dans certaines villes et quartiers, cette communauté continue à endurer un racisme déclaré ou latent. Il suffit de voir, sur les réseaux sociaux, les insultes et les injures dont sont victimes ceux qui militent pour la cause de la population noire.


Notre langue suinte ce racisme hérité des générations antérieures à travers des termes et expressions dégradantes et discriminatoires extrêmement blessantes  pour les victimes de la marginalisation. Certains  ne réalisent pas la portée de ces termes trop banalisés, devenus transparents pour ceux qui les utilisent, mais si avilissants pour ceux à qui ils sont destinés.
Nombreux sont ceux qui sont dans le déni du racisme, aussi bien les victimes qui refusent de voir les faits et ne réalisent pas la gravité de ce phénomène, que les autres qui persistent à croire qu’il n’existe aucune discrimination vis-à-vis de cette population. Certains réagissent même de manière violente en accusant ceux qui en parlent de « mensonge », de « dramatisation ». D’autres vous regardent, étonnés d’apprendre que dans une région du sud, il existe un cimetière pour les noirs ou que sur certaines cartes d’identité figure des références racistes qui devraient disparaitre. D’autres, enfin, découvrent la souffrance d’enfants, dans la rue ou à l’école,  face au rejet et à la discrimination.


Face à ce phénomène indéniable et indignant, des associations se battent, depuis quelques années, afin de faire entendre la voix de la population noire : informer, faire prendre conscience de la gravité de ce phénomène, s’indigner, protester, condamner les faits racistes… Parmi elles : «  M’NEMTY » qui se mobilise particulièrement, présidée par Saadia Mosbah, militante acharnée pour cette belle Cause qui se bat avec d’autres membres, non moins enthousiastes et déterminés que cette dame au beau sourire, au verbe percutant et à la volonté inébranlable. On recueille les plaintes des victimes de ce racisme pernicieux, on mobilise et on convainc, on soulève des questions… Saadia croit à ce Rêve merveilleux d’un pays où les citoyens seraient égaux sans distinction de couleur. Engagée dans cette lutte, elle se bat pour inscrire, dans le projet de la Constitution, le principe de lutte contre toute forme de discrimination et la pénalisation des actes racistes, une loi antiracisme qui protégerait les victimes et leur permettrait de se défendre contre les maltraitements qui se banalisent. Un combat parmi tous les autres, non moins important dans cette Tunisie en devenir. Un combat pour le droit à la citoyenneté à part entière, pour le droit au respect, à l’estime et à la dignité. Un combat contre l’humiliation qui engendre l’auto humiliation. «  Une loi ne pourra, jamais, obliger un homme à m’aimer, disait Martin Luther King, mais, il est important qu’elle lui interdise de me lyncher. »


Ce combat engagé par les concernés, mais qui ne l’est pas ? Un combat pour réconcilier un pays écartelé par des divisions douloureuses et qui doit protéger les plus faibles, car ils sont chez eux. Saadia Mosbah déclare qu’il est vital d’éduquer les jeunes générations et de leur apprendre l’amour de l’autre différent. Il est temps de se dire les vérités tues avant qu’elles ne deviennent vénéneuses.

Tounès THABET

Mercredi 08 mai 2013

Cet article a été publié au journal le Temps en date du 08.05.2013. Merci du fond du cœur à Tounès Thabet de nous avoir autorisé à relayer le quotidien le Temps sur ce blog. 






Du même auteur sur ce blog:

Fatah Thabet in memoriam


Ami, si tu tombes...

Quand les cheikhs prédicateurs appellent à l'asservissement des femmes

Au même sujet sur ce blog:

Pour une Tunisie en couleurs, et non en noir et blanc

Tunisie, justice pour tes enfants mal-aimés!

Le 8 mai 1987, meurt sous la torture Nabil Barakati

Le 8 mai 1987, meurt sous la torture Nabil Barakati, âgé seulement de 26 ans.
Instituteur communiste et militant de l'UGTT, Nabil Barakati a été arrêté une semaine plus tôt alors qu'il
distribuait dans la ville de Gaâfour un manifeste du POCT (Parti ouvrier communiste tunisien), à l'époque contraint de militer en clandestinité faute de reconnaissance officielle.

Tout au long de la période de son arrestation, Nabil Barakati a été soumis à la pire des tortures afin qu'il livre les noms de ses camarades dans la région. Résistant jusqu'au bout, seule la mort a pu le délivrer de la hargne de ses tortionnaires.

Mais quand on a un cadavre sur les mains, la police la plus assurée de l'impunité ne s'empêcherait pas de trembler pour telle ou telle tête pouvant tomber des suites d'une pareille bavure. Pour maquiller leur crime, les tortionnaires ont tiré une balle dans la tempe du martyr, mis le pistolet entre ses mains et jeté le cadavre non loin d'une voie ferrée à la sortie de la ville. En même temps, ils ont fait courir le bruit que Nabil Barakati a réussi à s'évader du commissariat en s'emparant du pistolet d'un brigadier. Ils croyaient pouvoir accréditer de la sorte la thèse d'un suicide, mais même au théâtre de l'Absurde une telle invraisemblance ne peut se défendre: on ne s'évade pas d'une manière tout aussi spectaculaire pour se donner immédiatement la mort.

Quand la population de Gaâfour a découvert le cadavre, des émeutes ont eu lieu et les tortionnaires n'ont dû leur salut qu'à la faveur d'une évacuation musclée par l'armée. Durant deux semaines, bien que la ville ait été placée sous couvre-feu, les manifestations réclamant la justice pour le martyr n'ont cessé de sillonner les rues.

Depuis, pour les amis de Nabil Barakati et les défenseurs des droits de l'homme le 8 mai est devenu journée nationale de la lutte contre la torture.

A.Amri
8 mai 2013

Le 8 mai 1945: victoire des Alliés ou carnage des Sétifois?


« Ohé, fonctionnaires, ouvriers, colons, hommes, jeunes gens et même vous, femmes d’origine française, maltaise, italienne, espagnole, ou tout autre- qu’importe ! pourvu que vous soyez Européens, venez ! [...] Unissez-vous ! Venez au salut de vos privilèges aujourd’hui menacés. Accourez donc ! Voici des révolvers, des fusils, des mousquetons, des mitrailleuses en nombre ! Choisissez, prenez, armez-vous au nom du colonialisme généreux et humain et tuez-nous tous ces Arabes, ces vaincus de 1830, ces va-nu-pieds, ces haillonneux, ces ventres creux, faits pour vous servir et qui osent maintenant parler de droit des gens, de dignité humaine et poussent la prétention jusqu’à vouloir être nos égaux et vivre comme des hommes sur cette terre d’Algérie qui doit nous appartenir pour l’éternité» ( Achiary, sous-préfet de Guelma, 10 mai 1945)1

Le 8 mai 1945, au moment où l'Europe fête la victoire des Alliés sur l'Allemagne nazie et la fin de la Seconde Guerre mondiale, au moment où le Premier ministre britannique Winston salue la foule à Londres et le le Général de Gaulle annonce par radio la bonne nouvelle aux Français, Sétif en Algérie "fête" tout autrement la victoire contre le nazisme.

En ce triste jour sétifois, pour avoir manifesté dans la rue avec un drapeau algérien, un jeune homme est tué par le tir d'un policier. La réaction des Sétifois ne se fait pas attendre. Des émeutes embrasent la ville de Sétif d'abord et s'étendent vite vers d'autres zones de Constantine, Guelma et Kherrata surtout. Elles s'étalent sur plusieurs jours.

Bilan: près de cent Européens ont trouvé la mort. Mais combien d'Algériens au juste ont été tués? Et pourquoi un tel massacre?

Les chiffres varient selon les sources. Alors que les autorités françaises de l'époque fixent à 1165 le nombre de morts autochtones, un rapport des services secrets américains datant de 45 note 17 000 morts et 20 000 blessés. Selon le gouvernement algérien, il y aurait 45 000 morts.

Quoiqu'il en soit, la boucherie semble avoir atteint son point

culminant le 10 mai à la ville de Guelma. Et elle avait pour principal instigateur le sous-préfet de cette ville, Achiary. C'est lui qui -après avoir proclamé la ville en état de siège- a distribué des armes aux Européens et appelé ceux-ci à faire la chasse aux "ratons". A ses administrés, il demande de liquider, dit-il, "ces va-nu-pieds faits pour nous servir, qui osent parler de dignité humaine et qui poussent la prétention jusqu'à vouloir être nos égaux et vivre comme des hommes sur cette terre d'Algérie qui doit nous appartenir pour l'éternité”.2

Et l'appel a été suivi pour la triste gloire du 8 mai 1945. Fêtes en France et en Grande Bretagne. Et deuils et colère sur la rive sud de la Méditerranée. Un massacre qui rappellera aux Algériens, aux Berbères, aux Arabes, aux Africains que la victoire sur l'Allemagne nazie, malgré le sang maghrébin et africain versé pour la libération de la France, n'est pas la victoire de l'humanité.


«C'est en 1945 que mon humanisme fut confronté pour la
Kateb Yacine, écrivain algérien
première fois au plus atroce des spectacles. J'avais seize ans. Le choc que je ressentis devant l'impitoyable boucherie qui provoqua la mort de plusieurs milliers de musulmans, je ne l'ai jamais oublié [...] A Sétif, se cimenta mon nationalisme.»
3   Kateb Yacine

 

« 1945, l'Armistice. La France célèbre la cérémonie de sa victoire dans la joie. Mais la promesse pour la liberté de l'Algérie fera l'objet d'une autre célébration, noyée celle-là dans le sang de milliers d'Algériens. Les localités de Sétif, Guelma, Kherrata, Ain-Abessa, Ain-Kebira, Ain-Rouah furent le théâtre d'un génocide mené par des forces militaires auxquelles s'étaient jointes des milices de fermiers européens qui n'hésiteront pas à massacrer sans distinction enfants, femmes et vieillards...»4 Abdelkader Benarab



A. Amri
08.05.2013

=== Notes ===

1- Guelma- La ville martyre, les hécatombes: premières exécutions et intervention de l'aviation sur dknews-dz.com

2- Ibid.



3- Cité par Boucif Mekhaled « Chroniques d’un massacre 08 mai 1945.Setif, Guelma, Kherrata. Syros. Paris.1995

4- Abdelkader Benarab, La bataille de Sétif, roman, L'Harmattan, 2011, p. 5









dimanche 5 mai 2013

Branches transies de froid - Mohammed Al-Maghout (traduit par Ahmed Amri)



Branches transies de froid
comme au bout de leurs membres les morts
talents alanguis
à la verdeur de leur printemps
prisons où s'encaquent les hommes libres
trains où s'entassent les migrants
discours improvisés depuis les balcons
manifestations gelées en tout lieu
bâilleurs et bâilleuses
aux cuisines, aux cafés, aux champs
aux écoles, aux temples, aux hôtels
aux piscines, aux bordels, dans les camps
ne pourrait-il pas y avoir un nouveau Naceur
serait-il seulement du grade de caporal?

Mohammed Al-Maghout
Poète, dramaturge, écrivain et scénariste syrien (1934-2006)
Traduction A.Amri
05.05.2013








Naji al-Ali: la caricature prémonitoire

Il y a 30 ans, sur un ton prémonitoire Naji al-Ali publiait une caricature (en-haut sur le collage ci-dessous)
qui illustrait et illustre encore l'incurable mal arabe.

Le personnage lecteur du journal au titre pompeux" Solidarité Arabe" dit:
" Si Israël attaque la Syrie, nous devrons attaquer aussi."
Ce à quoi l'un des personnages en face rétorque:
" Soyez plus explicite: nous devrons attaquer qui?"

Aujourd'hui en Tunisie et dans d'autres pays arabes, il doit y avoir beaucoup de bienheureux qui jubilent après le coup de main "fraternel" que les sionistes ont donné aux jihadistes embourbés en Syrie.

En Tunisie, les nahdhaouis et frères de confréries salafistes, Marzouki et partisans, Ben Jaâffar et suivants doivent se féliciter à l'exemple de ce wahabiste saoudien Hammoud Chamri qui, il y a une heure, twittait ce qui suit:

"En apprenant qu'Israël a bombardé la Syrie, je me suis prosterné louant Allah. Et j'espère qu'Israël poursuivra la frappe des bastions du régime. Les Alaouites sont bien plus mécréants que les juifs. Et les juifs sont bien plus courageux que les Arabes!"

Prosternez-vous et louez Allah, traîtres des peuples et de la nation!
Plus sioniste que vous, jamais!

A. Amri
05.05.2013

samedi 4 mai 2013

Elle n'est pas complément d'objet

L'une des fiertés nationales tunisiennes, c'est que le peuple dont 53% sont des femmes a une longue tradition de lutte féminine. Présente et pesante dans la révolution du 14 janvier, la femme tunisienne n'est pas prête à prêter l'allégeance pour une nouvelle dictature. Bien plus que les hommes, pour des raisons que le commun des Tunisiens n'ignore pas, les femmes n'accepteront jamais de se soumettre à la servitude d'un État islamiste.

S'il plait à quelque 20% de la population(1) d'être le bon troupeau des apôtres de l'obscurantisme, il est du devoir de chaque citoyen se reconnaissant dans le reste de l'électorat de défendre les fondements de son émancipation. La démocratie, les droits de l'homme, les libertés individuelles sont l'affaire de l'ensemble des forces opposées au projet islamiste, femmes et hommes confondus.

Quand, le 30 avril dernier, Leila Debba a "accueilli" à sa façon (voir vidéo ci-dessous) le prédicateur égyptien débarquant à l'aéroport de Tunis-Carthage, ce n'est pas seulement un acte de résistance féminine qu'il faut lire dans le geste de cette femme. N'en déplaise à la minorité tenue par le carcan islamiste, c'est la colère de tout un pays que cette brave avocate a traduite avec brio. Car ce peuple n'a pas besoin qu'on le catéchise ou lui rappelle l'islam. Il est musulman et fier de l'être depuis le 7e siècle, plus musulman que les camelots du wahabisme, vils rentiers de la foi altérée et transformée en industrie de l'ignorance(2) et de la mort. Il est de longue date musulman, ce peuple, et c'est lui qui a étendu vers l'Europe la conquête islamique, quand l'islam était lumières et grâces pour l'humanité. Il est musulman et il se réclame de cette noble lignée d'esprits phares qui font la richesse de son patrimoine: Saint-Augustin, Ibn Khaldoun, Lella Manoubia, Kheirddine Pacha, Ahmed Ben Dhief, Béchir Sfar, Tahar Haddad, Mohamed Ali El-Hammi, Farhat Hachad, Mohamed Fadhel Achour, Habib Bourguiba, Chokri Belaid... Ce ne sont pas les wahabistes qui pourraient citer autant de références dans leurs lumières, autant de jalons phares dans leur histoire, mais ce sont les Tunisiens. Ceux-là mêmes qui ont initié le Printemps arabe, déboulonnant l'une des plus puissantes dictatures au monde et brisant pour les peuples frères le mur de la peur. Ce ne sont pas les wahabistes qui ont réalisé cela mais les héritiers des lumières tunisiennes, femmes et hommes libres de ce pays.


Les wahabistes eux, en l'an 2013, considèrent que la terre est plate et ne tourne pas! et ils jugent hérétique quiconque dira le contraire!(3)

Quand, le 30 avril dernier, Leila Debba a "accueilli" à sa façon le prédicateur égyptien débarquant à l'aéroport de Tunis-Carthage, ce n'était pas de sa part un geste de provocation qui vise les islamistes de ce pays. C'était plutôt la réaction légitime de sa conscience libre, le front de fierté à lever face aux profanateurs de la Tunisie (locaux et étrangers confondus), l'irrépressible cri pour le peuple tunisien et musulman qui en a ras-le-bol de ces insultes répétées à l'endroit de sa tunisienté et son islam. L'islam authentique qui ne rime pas avec l'islamisme.

L'énième prédicateur invité par Ennahdha dans notre pays aux dépens du contribuable, blanchi, nourri et rémunéré en devises fortes pour les conférences débiles et abrutissantes qu'il doit donner aux âmes damnées du wahabisme, nuit à notre jeunesse et n'accomplit rien de salutaire pour le peuple confronté à tous les besoins et tous les périls. Terrorisme, fascisme, cherté de prix, chômage, constitution qu'on tente de détourner au profit d'un parti, élections qu'on renvoie incessamment aux calendes grecques, légitimité de pouvoir jour après jour contestée et devenue caduque. Et le parti islamiste arguant de cette légitimité pour faire de la Tunisie sa légitime irrépudiable n'a d'autre souci que de dérouler des tapis rouges sous les pieds des pâtres de chameaux qui se relaient pour nous "éclairer".

Pour le parti qui se croit l'élu de Dieu, ces "lanternes wahabistes", ces pondeurs de fatwas inouïes autorisant, ou appelant ouvertement la femme à concourir au jihad par le vagin(4),  rendent incontestablement d'éminents services. Ils détournent l'attention des périls qui menacent et des besoins qui pressent. Et de par le bourrage de crâne qu'ils accomplissent, le lavage des cerveaux, ils poursuivent le travail de sape engagé depuis les élections du 23 octobre 2011 contre les défenses de la cervelle tunisienne. Ce que le prosélytisme wahabiste veut réaliser au pays de Haddad et Bourguiba, aux pays des lumières musulmanes, c'est ni plus ni moins que conquérir et domestiquer la cervelle qui pense. Condition sine qua non de la viabilité de tout projet islamiste. Tant que le Tunisien est intelligent, que son esprit critique n'est pas tétanisé, l'islamisme ne peut faire long feu en Tunisie. D'où la tâche dévolue aux bons apôtres du wahabisme, conquérants par procuration de la cervelle jusqu'ici imprenable.

Alors quel mal à ce que la femme tunisienne botte au cul les ennemis de l'intelligence tunisienne?
Cette femme n'est pas complément d'objet. Pas sujet passif. Pas sujet de calife. Pas pronom de l'absent comme le veut la grammaire de ceux qui vivent à 15 siècles derrière la révolution. Ceux qui se vautrent dans le cloaque du puritanisme dénaturant l'humain, respirent l'obscurantisme infect et se nourrissent des crottes merdeuses de l'ignorance.


La femme tunisienne est une citoyenne et un être humain à part entière(5). Et elle n'entend pas céder aux phallocrates, islamistes ou de tout autre bord, ni sa part de vie ni sa part de combat. Leila Debba, Besma Belaid, Khaoula Rachidi, Radhia Nasraoui, Maya Jribi...et ce ne sont que d'infimes graines ans le chapelet des figures féminines tunisiennes, sont l'âme inaltérée de la Tunisie pionnière, berceau du droit constitutionnel et promotrice des émancipations(6). Il y a près de 3000 ans, l'histoire de la femme tunisienne débute avec Didon (Elissa), fondatrice et première reine de Carthage. Avec Sophonisbe, deux siècles avant J-C, c'est la première Bouazizi au féminin qui s'immole pour l'honneur de Carthage. Au 7e siècle, Al Kahina est l'incarnation de la résistance nationale face au conquérant arabe. Au 8e -douze siècles avant Bourguiba et le Code du Statut Personnel, Aroua abolit la polygamie! Au 14e, Lella Manoubia instaure la mixité dans les lieux de prière et devient cheftaine de confrérie religieuse!


Et cette histoire rayonnante du combat féminin se poursuit encore sous l'occupation française: Aziza Othmana(7) , Bechira Ben M’rad(8), Tawhida Ben Cheikh(9), Radia Haddad(10)...


Mais cela, il n'est pas certain que les ennemis de l'intelligence tunisienne sachent ouvrir un livre l'histoire et le déchiffrer pour comprendre la teneur de ces propos. Tant pis pour eux!




Leila Debba: une colère légétime

A. Amri 
03.05.2013

Notes:

1-
Chiffre des électeurs islamistes ayant voté le 23 octobre 2001 pour Ennahdha.

2- L'exemple de Cheikh Ibn Bâz contestant la rotondité et la mobilité de la terre (voir note 3) peut nous faire rire tant il parait insolite à l'âge des satellites et de la conquête spatiale. Mais nombreux sont les exemples illustrant cette ignorance offerte en pâture aux ânes bâtés qui la gobent, faute de cervelle chez ces âmes damnés du wahabisme et ses prédicateurs.
Une belle illustration sur la vidéo ci-dessous:


Louées soient les crottes de nos cheikhs!

Une autre sur ce lien: un prédicateur wahabiste considéré par ses disciples comme "une sommité de l'islam", le plus savant des humains! La panacée de la pauvreté et de la crise économique en terre musulmane, concoctée par Cheikh Abou Ishak al-Houini 

3- "Allah nous informe qu’Il a fait de la terre une demeure stable et qu’Il l’a fixée et stabilisée grâce aux montagnes. Il en a fait une demeure stable pour Ses créatures. Ils peuvent se déplacer, dormir, cultiver et planter des arbres. Ils peuvent également avoir des activités sur les mers pour survenir à leurs besoins. Si quelqu’un prétend qu’elle vogue dans l’espace, cela ne signifie pas forcément qu’il dit vrai, indépendamment du fait qu’il soit communiste, chrétien, juif ou musulman. La Parole d’Allah est plus véridique que toute autre parole..." Cheikh Ibn Bâz

4- Le jihad du niqah institué par des fatwas wahabistes permet à la femme de satisfaire les besoins sexuels des jihadistes engagés en Syrie. Toute femme âgée d'au moins 13 ans peut contribuer à cette "guerre sainte" en accordant ses faveurs à autant d'hommes qu'elle peut afin d'entretenir le moral des soldats de Dieu.

5- Le poète Mohamed Essghaier Ouled Ahmed pourrait même faire des enchères à ce propos, qui affirme que "la femme tunisienne est une femme et demi en-sus !"



Oyoun Al-Kalam (Amel Hamrouni & Khmaïes Bahri)

les femmes de mon pays
 
J'ai écrit, tant écrit
Épuisant les lettres et les dits
J'ai décrit, tant décrit
Épuisant les mots inédits
Je dis, donc, en bref et je passe
la femme de mon pays
est mesurable à l'aune 
d'une femme et demi
6- Premier pays à se doter d'une constitution au monde arabo-musulman (1861), historiquement la Tunisie est aussi le pays de la meilleure constitution au monde selon Aristote qui, entre -350 et -360, écrivant son livre Politique dans lequel il étudie l’origine, la finalité et le fonctionnement de l’État, rend hommage à la constitution carthaginoise: "Carthage paraît encore jouir d'une bonne constitution, plus complète que celle des autres États sur bien des points, et à quelques égards semblable à celle de Lacédémone. Ces trois gouvernements de Crète, de Sparte et de Carthage, ont de grands rapports entre eux ; et ils sont très supérieurs à tous les gouvernements connus. Les Carthaginois, en particulier, possèdent des institutions excellentes ; et ce qui prouve bien toute la sagesse de leur constitution, c'est que, malgré la part de pouvoir qu'elle accorde au peuple, on n'a jamais vu à Carthage de changement de gouvernement, et qu'elle n'a eu, chose remarquable, ni émeute, ni tyran.
Je citerai quelques analogies entre Sparte et Carthage. Les repas communs des sociétés politiques ressemblent aux Phidities lacédémoniennes ; les Cent-Quatre remplacent les Éphores ; mais la magistrature carthaginoise est préférable, en ce que ses membres, au lieu d'être tirés des classes obscures, sont pris parmi les hommes les plus vertueux. Les rois et le sénat se rapprochent beaucoup dans les deux constitutions ; mais Carthage est plus prudente et ne demande pas ses rois à une famille unique ; elle ne les prend pas non plus dans toutes les familles indistinctement ; elle s'en remet à l'élection, et non pas à l'âge, pour amener le mérite au pouvoir. Les rois, maîtres d'une immense autorité, sont bien dangereux quand ils sont des hommes médiocres; et ils ont fait déjà bien du mal à Lacédémone."
Aristote (Politique) - Traduction française : BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE
La Tunisie est également l'un des pays pionniers de l'abolition de l'esclavage (1846), et de l'institution des droits de minorités,
ayant proclamé le Pacte fondamental( عهد الأمان).5- ) en 1857.

7- Cette femme est le symbole du pouvoir dévoué à son peuple, pour les œuvres de bienfaisance accomplies et ses rapports hors commun avec le personnel du palais. 

8- Militante du mouvement national et fondatrice de  l'UMFT (Union musulmane des femmes tunisiennes).

9- P
remière bachelière de Tunisie, première femme médecin et gynécologue au monde arabe, initiatrice avec Bourguiba du planning familial en Tunisie.

10- Militante du mouvement national tunisien, elle est vraisemblablement la première femme en Tunisie à avoir rejeté le port du voile. Après l'indépendance, présidente de l’UNFT (Union Nationale des femmes de Tunisie) elle est l’une des premières femmes parlementaires en Afrique et dans le Monde Arabe.

jeudi 2 mai 2013

Safa Mtaallah, journaliste qui dérange

Photo Safa Mtaallah
Le 19 fevrier 2013, l'hebdomadaire tunisien Akher Khabar (Dernière Info جريدة آخر خبر) publie un article-reportage ayant pour titre: "Des familles traumatisées pour leurs enfants partis en Syrie au nom du jihad". Le lecteur y apprend surtout que des légions de jeunes tunisiens partis en Libye, présumés pour tirer bénéfice des opportunités d'emploi qu'offre ce pays "en voie de reconstruction", ont en fait rallié l'internationale jihadiste et sont partis en Syrie.

Écrit par Safa Mtaallah, journaliste jeune mais maîtrisant parfaitement son sujet et ayant les qualités et les compétences du journalisme d'investigation(1), l'article a eu l'effet d'une bombe dans la région de Hammam Al Ghezaz (Kélibia), lieu de l'enquête menée par la journaliste. Non seulement les révélations ont alarmé des familles ayant des enfants en Libye et ne soupçonnant pas que les leurs puissent transiter à partir de ce pays vers la Syrie, mais elles ont dévoilé aussi l'existence de  cellules endormies de Al-Qaida.Cellules autour desquelles s s'effectue l'enrôlement des jeunes hammamois envoyés vers l'enfer syrien.
En outre, ces révélations ont de quoi embarrasser certaines parties politiques supposées impliquées à tel ou tel niveaux du recrutement jihadiste, même si, observant la déontologie de la profession, Safa Mtaallah
Article de Safa Mtaallah, en date du
19.02.2013
n'avait cité ni des noms de personnes ni -de manière explicite- le parti politique qu'on présume trempé dans ledit recrutement.

Le 23 avril 2013, Safa Mtaallah est convoquée par la police (Brigade d'enquête et d'information judiciaire) qui lui signifie qu'une plainte a été déposée contre elle par les habitants de Hammam Al Ghezaz. Selon ladite brigade, les plaignants l'accusent de diffamation.

En vérité, il ne s'agit que d'une manœuvre fasciste visant à bâillonner les plumes et les médias libres. "Le premier qui dit la vérité, chante Guy Béart, il doit être exécuté." Et Safa Mtaallah, ainsi que la  ligne éditoriale de Akher Khabar (Dernière Info جريدة آخر خبر) ne peuvent laisser indifférente la machine répressive islamiste. Car les plaignants réagissant à la prétendue diffamation journalistique auraient agi sur ordre de responsables nahdhaouis. Ils auraient même subi des pressions, selon plusieurs témoins oculaires ayant contacté la journaliste et assuré celle-ci (2)de leur engagement à déposer devant le tribunal, pour autant qu'ils soient cités comme témoins.


A.Amri
02.05.2013


Notes:

1- Safa Mtaallah est également une belle plume littéraire. En tant que jeune nouvelliste, elle a récemment obtenu un prix national qui augure d'un florissant avenir pour cette plume.
2- Safa Mtaallah sur Nessma TV

Pourquoi faire venir en Tunisie tant de prédicateurs wahabistes?

"Rien ne me choque plus que le prosélytisme et ses moyens, toujours impurs." Valéry



On se demande pourquoi et comment, dès leur accession au pouvoir en Tunisie, les dirigeants du mouvement Ennahdha ont ouvert grand les portes de notre pays à des prédicateurs venant d'Arabie ou d'Égypte.
Wajdi Ghanem

On se demande pourquoi et comment, au lieu d'offrir des tribunes à des savants dignes de ce nom pour instruire le peuple et promouvoir au sens réel sa culture et son savoir, Rached Ghannouchi et son état-major veulent plutôt faire du prosélytisme et vulgariser, avant tout, le principe de l'obéissance absolue au Maître, quels que soient les dits et les agissements de celui-ci.
Mohamed Hassen

En vérité, pour espérer pérenniser leur règne les islamistes n'ont qu'une seule voie: anéantir la cervelle du pays en la purifiant de tout germe de pensée critique. Le peuple qui pense, qui dit non, ne se prête pas à la docilité qu'espèrent ses maîtres. Ceux qui s'étaient révoltés contre Ben Ali, ceux qui poursuivent la révolte aujourd'hui, ceux qui pourront faire capoter demain le projet du califat ce sont les esprits dotés de la plus puissante arme d'autodéfense: la pensée critique. Et tant que cette pensée-là résiste, le califat n'a aucune chance de voir le jour.

Kamel Ayfi
Voila pourquoi -depuis le 23 octobre 2011, la Tunisie est devenue la Mecque des prédicateurs wahabistes: l'œuvre obscurantiste que ces derniers se relaient à vouloir réaliser dans notre pays se profile comme le tremplin  à fournir aux gourous de l'islamisme, indispensable, pour leur permettre de mener à bien leur projet.

Nabil Awadhi
La vidéo ci-dessous illustre bien ce à quoi le "génie de sape" wahabiste veut parvenir quand ses prédicateurs nous demandent outre l'exécution à la lettre des recommandations cheikhales, de ne jamais mettre en doute le bien-fondé de leurs agissements, quand bien même ceux-ci nous paraitraient blâmables.

"Verriez-vous votre cheikh commettre l'adultère, dixit le prédicateur filmé sur cette vidé, ne dites jamais que le cheikh fornique! dites plutôt que c'est  votre œil qui fornique!"






Ahmed Amri
2 mai 2013

Quand les médias crachent sur Aaron Bushnell (Par Olivier Mukuna)

Visant à médiatiser son refus d'être « complice d'un génocide » et son soutien à une « Palestine libre », l'immolation d'Aar...